Tout d'abord, un pari entre amis...
Tout à commencé par un dimanche de septembre, en 1873. Des jeunes gens s'adonnent au passe temps habituel des dimanches de province. Ils sont réunis dans un café, pour de longues
et tardives parties de cartes.
Cette fois, la fin est inhabituelle : une course pédestre, bruyante de leurs cris et de leur bonne humeur ne réjouit pas les bons bourgeois qui dorment ! Le lendemain, une
plainte pour tapage nocturne est déposée...
Le mardi suivant (2 septembre 1873), les mêmes jeunes (parmi lesquels on trouve les futurs acteurs de ce chapitre : Charles Belin, Henri Dehon, Alfred Devouge, Henri Flamant,
Albert Hugo, le capitaine Meuret se retrouvent dans le même café, et commentent l'aventure nocturne du dimanche précédent. Ce sont pour la plupart des éleveurs, et leur assemblée est grossie de
plusieurs autres. Leurs élevage, leurs chevaux, qui représentent aussi leur fierté, arrive bien vite au centre des débats. Chacun vante alors les qualités de son meilleur cheval.
Les premières courses de chevaux au trot avaient eu lieu en 1807 à Saint-Brieuc, à Strasbourg et ensuite à Aurillac en 1820 puis à Nancy en 1828. Monsieur Ephrem Houël, un des
inspecteurs de l’administration des Haras se démenait pour organiser quelques réunions de trot. Après des années d’efforts pour organiser d'autres journées, la solution vint d’un riche négociant
vinicole qui offrit un hippodrome et des prix de courses afin d’organiser à Cherbourg, un spectacle qui permettrait d’attirer les étrangers, principalement ceux de Grande-Bretagne avec lesquels
le négociant faisait du commerce. Ces courses de Cherbourg furent inaugurées en 1836 sur la plage qui s’étendait devant les canons et les forts de la ville. En 1837 le trotting s’organisa à Caen,
en 1838 à Saint-Lô et en 1843 à Rouen.
C'est le 11 novembre 1833 à quinze heures, que Lord Seymour, fonde en vue de l’amélioration de l’élevage en France, la Société d’Encouragement pour l’amélioration des races de
chevaux en France.
Le 21 octobre 1864, à Caen, était fondée la Société d’Encouragement pour l’amélioration du Cheval Français de Demi-Sang, sous la présidence du marquis de Croix.
A La Capelle, chacun a déjà dans la tête les images de victoires déjà célèbres dans le monde du cheval, comme par exemple celle de "Gladiateur" au prix de Paris de 1865...
Henri Flamant ne tarit pas d'éloges pour son cheval "Flibustière". Il est persuadé qu'avec un peu d'entraînement, elle ferait sa gloire sur les hippodromes. Charles Belin,
propriétaire de "Suzanne", rétorque que celle-ci vaut bien la première. Henri Dehon fait le médiateur, et clame que les deux juments se valent, et que cela constituerait un beau spectacle que de
les voir s'affronter... Ils ont dans la tête l'image de Gladiateur, ce beau vainqueur du Prix de Paris en 1865 !
Une idée vient de naître ! Mettre à La Capelle, les deux juments en compétition recueille l'avis favorable des deux propriétaires. La scène se déroule, ne l'oublions pas, dans un
café. Les autres consommateurs tendent l'oreille, même s'ils ne prennent pas part aux débats. Le lendemain, toute la ville, tous les environs en parlent. Le sujet est au centre de toutes les
conversations. L'idée se propage et enfle de bouche en bouche. Les uns offrent des prix ; d'autres veulent participer et engager leur meilleur cheval... Devant l'ampleur que prend la chose, un
premier comité officieux naît, constitué de Charles Belin, Henri Dehon, Jules Carrière, Alfred Devouge, et Monsieur Herigny.
Monsieur Parent offre de mettre à disposition une grande pâture, à la sortie du bourg sur la route de Vervins. On trace une piste, on la mesure, on pose des jalons... On dresse
également les premières tribunes en bordure de la piste : charettes à foin, tréteaux et madriers font l'affaire. On transpose à La Capelle les infrastructures des autres hippodromes existants.
L'équipe dynamique organise ainsi une enceinte de pesage, un vestiaire... et même une buvette ! Le défi lancé par deux hommes et leurs montures prend l'allure d'une kermesse.
Helas, toute la fin de la semaine il pleut des cordes. Il faut remettre le défi. Il aura finalement lieu le dimanche 29 septembre. Ce jour là, le soleil est aussi de la
fête.
La première course sera bien sûr le défi entre les deux amis : Charles Belin et sa brave jument Suzanne, et Henri Flamant qui monte la fameuse Flibustière. Les deux juments seront épaule contre
épaule jusqu'au dernier virage. C'est à cet endroit que Henri Flamant sollicitera Flibustière, qui se détachera de six longueurs. Mais la brave Suzanne n'a pas pour cela démérité... son
cavalier pesant au moins cent kilos, elle avait un sévère handicap ! Le vainqueur avait parcouru les deux mille mètres du parcours en quatre minutes et quarante seconde. Cette première journée de
courses, fut aussi l'occasion de deux autres courses de trot, et de deux courses de galop. Lors de ces dernières courses, les cavaliers se lancèrent des défis de revanche, ce qui fit que chaque
course eut lieu deux fois ! Quel engouement !
D'une conversation de café, d'un défi lancé entre-eux par deux propriétaires de chevaux, s'était improvisée en quelques jours une journée qui avait été conçue par deux amis comme
une joute personnelle entre deux amoureux du cheval. En guise de réunion privée, la population du bourg avait ce jour là doublé, tellement l'afflux de spectateurs avait été important.
Au début de 1874, c'est à dire environ trois mois après cette mémorable journée, fut mis sur pied le premier comité officiel.
Le succès s'ajoutant à la passion, les protagonistes ne pouvaient en rester là ! Il fallait créer une structure officielle, s'adjoindre des compétences, attirer de nouveaux
partenaires...
JMG Extraits de " La Capelle, Quand l'histoire d'un bourg devient l'histoire de France".